
Jan Arons 1936-2015
Un peintre,

De la peinture en volume au volume peint ... de la suggestion au palpable ...
de la matière au vide …
Deuxième période
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La coexistence du volume et du plan 1979-1988
Une autre période s'ouvre dans les années 1980, dans laquelle une peinture plus traditionnelle prend le pas sur le concept exclusif des peintures en épaisseur.
Le format des tableaux s’agrandit, environ 1 mètre sur 1m30 à 1m.50, et une facture apparaît, où l'empâtement, les volumes, toujours très présents, coexistent désormais avec de grands aplats. Ces aplats induisent un nouveau rapport entre couleur et lumière.
Le support, entaillé, voire défoncé, devient alors partie intégrante de l'œuvre ; il n'est plus neutre et ses diverses entailles concourent au sens du tableau.
Par cette cohabitation Arons cherche à exprimer la complexité du monde qui l'entoure. (La lecture d'Edgar Morin, sa lumineuse théorie de la complexité, le conforte dans la justesse de son approche du réel.)
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Les thèmes se diversifient, explorant davantage :
Le visuel ...


1979 Texel V 80x105x12cm

1988 Topographie II 58x48x22cm

Série des paysages




... le mental




Série de la Table de E
Cette série, "la table de E", fait référence à un texte de Henri Michaux sur la folie et l'art ; formellement elle approfondit la recherche sur l'intrication dehors / dedans et sa perception.
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(Détail anecdotique assez troublant, ayant titré "Discordance" un des tableaux de la série, Arons apprendra bien plus tard que ce nom était donné à la schizophrénie dans le passé.)



1989 Miroirs de Schreber 132x178x12cm (triptyque)

Série de portraits ou de motifs réels, imaginaires, ou symboliques
Dans cette série, un tableau (Les miroirs de Schreber, 1989 175x271x12cm) fait référence à l'expérience étonnante de Daniel Paul SCHREBER (1842-1911) président de la chambre de la cour d'appel de Dresde. Névropathe gravement atteint, il est cependant capable d'écrire ses mémoires et toute son expérience dans un style clair et même littéraire ("Mémoires d'un névropathe",1903).
Son cas fit l'objet de nombreuses recherches en psychiatrie, notamment de Freud, et fut cité dans de multiples ouvrages dont Les grandes épreuves de l'esprit de Michaux ou L'anti-Œdipe de Gilles Deleuze et Félix Guattari.
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Le délire Schizophrène du président Schreber inspire Jan Arons très impressionné par la lecture de ces "Mémoires d'un névropathe" ( 1903, éd.Oswald Mutze- Leipzig et 1975 édition du Seuil, coll. Points, pour la traduction française).
Dans des tableaux comme ce triptyque et dans plusieurs des sculptures de cette année 1989 il concrétise "l'éviration" dont parle Schreber, soit l'impression très nette qu'a ce dernier d'être devenu femme et la vision réaliste qu'il en a, même, en se regardant dans des miroirs" :
...ma poitrine peut convaincre n'importe qui de la présence de seins féminins relativement bien développés écrit Schreber… " Quiconque me verrait debout devant un miroir le haut du corps dévêtu serait convaincu d'avoir devant soi un buste féminin...


4 détails des Miroirs de Schreber


...Et, ajoute-t-il plus loin…qu'on se garde de prendre ce qui m'anime ici pour de la basse sensualité ...je ne permettrai jamais à quiconque le moindre soupçon qu'il puisse y avoir de ma part une lubricité quelconque…" etc. (in Mémoires d'un névropathe, op.cit.pp 230-231),
Le livre entier témoigne en fait non seulement d'une souffrance extrême, mais aussi d'une rupture de la personnalité, d'une fracture, une séparation de l'esprit dans un même corps inhérente à ce genre de troubles bien sûr, mais qui dès lors intéresse particulièrement Jan Arons, lui qui cherche à diviser, fractionner, multiplier les espaces à l'intérieur même du tableau, de son unité.
Les Miroirs de Schreber, ce tableau tripartite étonnant, complexe s'il en est, peut d'ores et déjà se poser comme exemplaire de la transition qui s'opère alors dans la vie et l'œuvre d'Arons.
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